La voie verte du canal de Berry, le réveil d’un bel endormi

Les jardins du Duc de Berry et l’écluse de Reussy, à Mehun-sur-Yèvre.

Le canal de Berry a été déclassé des voies navigables en 1955. Tronçonné, recouvert, massacré, le long et étroit canal, ancien domaine des flûtes berrichonnes, sort aujourd’hui de sa léthargie, son chemin de halage progressivement aménagé. Au cœur du Berry, au centre de la France, une voie d’eau s’ébroue et revient à la vie, entre regrets des bateaux disparus et beautés enfin dévoilées. Nous l’avons parcouru en voiture et à vélo de Thénioux ă Plaimpied-Givaudins, en passant par Viernjon et Bourges (Cher).

Les anciennes usines de la Société française à Vierzon.

Le canal de Berry, c’est 3 branches qui desservent Montluçon (Allier), Marseilles-lès-Aubigny (Cher) et Noyers-sur-Cher (Loir-et-Cher) et se rejoignent au lieu-dit Fontblisse, sur la commune de Bannegon (Cher). Le plus étroit canal de France, ouvert à la navigation entre 1830 et 1841, s’étend sur quelque 264 km avec ses 2 petits embran-chements. Seuls quelques courts tronçons sont aujourd’hui navigables. Les 6, 7 et 8 mai 2021, nous avons parcouru, Louise Quick et moi, la voie verte du canal de Berry de Thé-nioux à Plaimpied-Givaudins (Cher).

Si le parcours de Vierzon à Plaimpied-Givaudins (47 km) était aménagé, les travaux entre Vierzon et Thénioux (12 km) ont été terminés après notre passage (en juillet 2021). À terme, la voie verte du canal de Berry et, dans sa continuité, Le Cher à vélo formeront la véloroute n° 46, joliment baptisée itinéraire Cœur de France à vélo, qui doit relier, en 2026, Tours (Indre-et-Loire) à Bourges (Cher) et Montluçon.

On a voulu voir Vierzon, et Vierzon nous a plu !

Après notre installation dans une chambre d’hôtes de La grange de Léonie à Méry-sur-Cher, le 1er jour de notre échappée belle, pluvieux et plutôt gris, nous l’avons consacré à découvrir Vierzon, que nous avons rejoint en voiture. La ville a été, aux XIXe et XXe siècles, un nœud ferroviaire et un centre industriel important, notamment dans le domaine du machinisme agricole. Puis ses manufactures de porcelaine et ses ateliers de confection ont fermé dans les années 1980 et 1990. En 1995, la fermeture du site Case (ex-Société française de matériel agricole et industriel) porta un ultime coup à l’économie de la ville. Aujourd’hui, Vierzon est en pleine renaissance et reprend possession de ses friches industrielles.

Maquette du Vierzon médiéval au musée des Fours banaux.
Une vue du canal de Berry sur une vitrine de la rue du Maréchal Joffre à Vierzon.

Les anciens bâtiments de l’usine Société française de Vierzon accueillent aujourd’hui le musée de Vierzon (qui ne s’intéresse malheureusement pas au canal de Berry), un cinéma, un bowling, un centre des congrès et bientôt un pôle numérique. Le centre ancien de la ville est plein de belles surprises, des maisons à pans de bois de la rue Maréchal-Joffre aux ferronneries Art déco des vitrines anciennes. Tout près du beffroi du début du XIIIe siècle, le musée des Fours banaux (les fours du seigneur dont l’usage était obligatoire et payant) abrite une maquette de Vierzon au Moyen Âge.

Le curieux y découvrira la porte du Dégou (des égouts), des tas de petits moulins sur la rivière Yèvre ainsi qu’une abbaye disparue dont il ne reste aujourd’hui qu’un mur et une fenêtre à meneau (derrière le musée).Tout près du beffroi du début du XIIIe siècle, le musée des Fours banaux (les fours du seigneur dont l’usage était obligatoire et payant) abrite une maquette de Vierzon au Moyen Âge. Le curieux y découvrira la porte du Dégou (des égouts), des tas de petits moulins sur la rivière Yèvre ainsi qu’une abbaye disparue dont il ne reste aujourd’hui qu’un mur et une fenêtre à meneau (derrière le musée).

Dans l’église aux entraits dévorés de dragons, figure la « vraie croix », une croix de mariniers qui dominait autrefois le Cher. Pas rancunière, la ville a consacré à Jacques Brel une grande place qui abrite le marché du samedi matin. Le plus beau site de Vierzon reste pour moi le square Lucien-Beaufrère. Entre Yèvre et canal de Berry, le jardin est une incroyable collection de merveilles Art déco au sein de superbes massifs de fleurs. n a voulu voir Vierzon et on a vu Vierzon. Et n’en déplaise au Grand Jacques, Vierzon nous a bien plu.

La grange de Léonie

La grange, c’est un ancien séchoir à briques démonté à Souesmes (Loir-et-Cher) et remonté à Méry-sur-Cher (Cher) par Christophe Selin. Léonie, c’est le prénom de sa grand-mère qui habitait près de la grange. Et La grange de Léonie, c’est un ensemble de 3 chambres d’hôtes pour 2 à 3 personnes, d’un gîte pour 4 personnes avec spa privatif, d’un espace de restauration (la grange) privatisable et d’un parc de 3 ha avec spa et piscine peuplé d’oiseaux et d’ânes gentils. Mathilde et C.

Selin ont ouvert leur Grange en avril 2018, sûrs, avant même son ouverture, du succès de la voie verte du canal de Berry. Amoureux des vieilles pierres, passionnés de déco, persuadés que l’avenir est dans le produit local de qualité et la mise en réseau, ils offrent un accueil chaleureux, familial, gourmand à des hôtes qui viennent puis reviennent. Depuis 2020, La grange de Léonie, c’est aussi Berry vélo, un service de location de vélos V.T.C. et V.T.T. classiques ou électriques.

De Vierzon à Bourges

Avant de retrouver notre chambre d’hôtes à Méry, où nous attendent un spa extérieur à 38 °C près de l’enclos aux ânes et un verre de quincy frais (oui, oui, les deux en même temps…), nous faisons un détour pour aller découvrir le canal à Thénioux. C’est là, près de la guinguette L’escale du canal, que l’association Navicabe loue de petits bateaux électriques pour naviguer jusqu’à Méry-sur-Cher en passant le pont-levis de la Roussellerie et l’écluse de Launay, soit un parcours de près de 4 km.

Le lendemain matin, décollage à 8 h sous un beau soleil. Avant de retrouver notre chambre d’hôtes à Méry, où nous attendent un spa extérieur à 38 °C près de l’enclos aux ânes et un verre de quincy frais (oui, oui, les deux en même temps…), nous faisons un détour pour aller découvrir le canal à Thénioux. C’est là, près de la guinguette L’escale du canal, que l’association Navicabe loue de petits bateaux électriques pour naviguer jusqu’à Méry-sur-Cher en passant le pont-levis de la Roussellerie et l’écluse de Launay, soit un parcours de près de 4 km. Le lendemain matin, décollage à 8 h sous un beau soleil.

Première écluse, fromages de chèvre et tigres en peluche

L’écluse des Vèves, la 1e écluse que nous rencontrons, est d’une étroitesse étonnante. Au gabarit berrichon, elle mesure, comme la plupart des autres écluses du canal, 27,75 m sur 2,70 m. S’il ne s’agissait d’un ouvrage aussi lourd à créer et dédié, du moins à l’origine, à quelque chose d’aussi sérieux que le transport fluvial, on aurait envie de la qualifier de mignonne. En 2020, le batardeau en bois qui ferme l’écluse a été remplacé par un batardeau métallique, une « pelle » manœuvrable qui permet de régler le débit de l’eau. Un peu plus loin, une envie de fromage de chèvre nous fait suivre, nez au vent, les petits panneaux Chèvrerie du Bois Cherriot. La patronne, qui arrive à notre coup de sonnette en s’essuyant les mains sur son tablier, bougonne « Est-ce que j’ai bien baissé le feu sous mes courgettes, moi ? » et nous raconte 4 histoires rigolotes le temps de nous choisir des fromages aptes à résister au voyage à vélo.

Passerelle sur l’Yèvre (Vierzon).
Colonnes Art déco dans le square Lucien-Beaufrère, à Vierzon.

Peu après, le canal est coupé par l’autoroute A20 que nous devons traverser en empruntant un itinéraire partagé avant de retrouver le chemin de halage. Les promeneurs déjà sont nombreux, l’air agréablement frais et les petites feuilles toutes neuves des arbres se reflètent dans l’eau du canal avec le bleu du ciel et le blanc des nuages. À l’entrée de Vierzon, nous photographions un jardin plein d’installations colorées et d’animaux en peluche.

Un pêcheur, qui n’est pas l’auteur de l’œuvre, nous fait l’article : « C’est bien décoré, hein ? » La piste flambant neuve de la voie verte longe des petites maisons coquettes, dont l’une porte la date 1870 sur le linteau de sa porte. Maisons et usines de briques aux toitures shed ont certainement été construites dans la foulée de l’arrivée du canal. Puis le canal disparaît. Complètement.

Le canal partiellement comblé à Vierzon

À l’ouest du centre-ville de Vierzon, l’emprise du canal a été comblée et accueille aujourd’hui la médiathèque Paul-Éluard, La Poste ou encore un supermarché. l est difficile d’imaginer aujourd’hui qu’une écluse et une cale de radoub ont longtemps accueilli les bateaux ici, entre la rue du Champanet et l’Yèvre. Le quai du Champanet est aujourd’hui caché sous le Forum République. Nous errons un moment, un peu perturbées par la perte du canal qui nous avait jusque-là guidées sans faillir. Une petite valse-hésitation, quelques demi-tours et un pont plus tard, nous retrouvons le canal au niveau du quai du Bassin. De l’autre côté du canal, élargi ici en gare d’eau, se trouve le square Lucien-Beaufrère et l’Yèvre.

Le bateau Cher de l’Arecabe à Vierzon.
Dans les laboratoires de Codina le long du canal à Vierzon.

Nous nous arrêtons pour admirer le Cher, dont je raconte la belle histoire à Louise. Ce bateau-citerne berrichon, construit en 1940, est le dernier bateau de commerce à avoir passé les écluses du canal de Berry avant le déclassement de la voie d’eau en 1955. Le bateau est étroit, mais il est malgré tout difficile d’imaginer qu’il peut entrer dans les minuscules écluses du canal. Nous quittons Vierzon en ayant presque rien vu de la ville que nous avons heureusement visitée la veille. Le canal est longé par un fossé que traverse, vers de jolies petites maisons, une collection de passerelles ouvragées en fer forgé, rappel du passé industriel de la ville.

La Chèvrerie du Bois Cherriot

À Vierzon, Muriel Bard, dite Mumubiquette, a entamé en 2021 sa 36e saison d’éleveuse de chèvres. Ses biquettes, qui passent leur vie au champ, sont douces à caresser. Combien de biquettes ? « Un petit troupeau, 120 chèvres, mais qui pissent au pot ! » répond Mumu. Comprendre “qui font beaucoup de lait”, un lait qui sert à fabriquer crottins, bûches, pyramides, bouchons et le P’tit Vierzon, spécialité “Made by Mumubiquette”.

Des écluses et des rencontres

Nous pédalons sans nous arrêter jusqu’à l’écluse de arennes. ’entrée officielle de l’entreprise de cosmétique artisanale Codina, installée à Vierzon depuis le milieu des années 2000 dans une ancienne manufacture de porcelaine, se trouve route du Vieux Domaine. Mais Philippe Guglielmetti, responsable commercial, vient nous ouvrir la petite porte qui donne sur le canal. Et nous découvrons un incroyable ensemble de bâtiments et de métiers répartis sur 10 ha. Ici, les produits en provenance du monde entier sont réceptionnés, les crèmes, sérums, huiles et savons sont fabriqués, conditionnés et emballés pour repartir dans toute la France, sous différentes marques, ainsi que vers le Japon et l’Afrique. Il est possible de participer à des ateliers pour apprendre à fabriquer ses propres cosmétiques.

Romain et Stéphanie Dessolier partent pédaler sur le canal
après avoir déposé leurs enfants à l’école (écluse de Givry

Le ne tout plein d’effluves de plantes, des savons au karité serrés dans nos sacoches, nous reprenons la route le long d’un canal qui s’élargit en gare d’eau au niveau de la ligne de chemin de fer. Dans le canal, les plantes aquatiques forment de larges amas denses. Sur les berges, les 1ers boutons d’or et les géraniums sauvages font du pointillisme. Les iris aquatiques commencent épanouir leurs grandes fleurs aunes au milieu des roseaux. Nous croisons quelques cyclistes, qui nous saluent gaiement, et des fous du guidon fluo qui confondent chemin de halage et vélodrome, heureusement ils sont encore rares sur cet itinéraire récemment aménagé.

La porte de l’Horloge à Mehun-sur-Yèvre.
À Foëcy, Noëlla Chopier a installé en 2020 sa maison et table d’hôtes dans un très ancien bâtiment au cœur du village.

Dans les passages boisés, le « uh uh uh » en crescendo des rossignols s’accorde au « tchiff tchaff » du pouillot véloce et au « vite vite vite, il faut que je vive ma petite vie » du pinson des arbres. À l’écluse de Givry, nous discutons avec Romain et Stéphanie qui, après avoir déposé leurs enfants à l’école à Méreau, près de Vierzon, viennent souvent pédaler le long du canal. À la hauteur de l’écluse de Foëcy, nous quittons le canal pour visiter le village. Noëlla Chopier nous attend pour nous faire découvrir ses 4 chambres d’hôtes pour 2 à 4 personnes ouvertes en 2020 sous le nom Une escale en Berry. Installée dans un bâtiment réputé être un ancien prieuré, N. Chopier croit très fort dans la voie verte du canal : « Cela va être un gros plus pour la région, nous attendons beaucoup de monde. Je suis en train d’installer un conteneur pour pouvoir stocker les vélos de mes hôtes. » Un petit tour au marché et à la boulangerie du village plus tard, nous reprenons notre route.

Des “mollussons” peuplés d’enfants

Il n’y a pas de bateaux sur ce canal bien qu’il soit en eau, et aucune chance d’en voir un arriver derrière une écluse. Mais curieusement, je m’attends malgré tout à tout moment à voir surgir une flûte berrichonne. Je remplis les minuscules écluses d’étroits bateaux peuplés d’enfants, leurs petits vêtements tout juste lavés par la batelière flottant au vent sur les fils linge. Mon imagination, qui conçoit mal un canal sans bateau, calque sur le paysage les images de cartes postales anciennes. Tout en pédalant, j’anime le canal des cris des meneurs d’ânes et des grincements des « mollussons » flûtes berrichonnes construites à Montluçon) chargés de ces bateliers qui avaient si mauvaise réputation, grossiers, batailleurs, buveurs et voleurs de poules.

Le château de Marmagne.

Les gens qui ne vivent pas comme les autres ont toujours eu tous les défauts du monde, on le sait bien… Puis soudain la rêverie s’interrompt. Devant nous, le canal s’étrécit en une buse d’un diamètre de 1,20 m. Le bateau s’évanouit, non pas au bout du quai comme dans Le poinçonneur des Lilas, mais dans l’obscurité d’un tuyau. À 14 km de Bourges, c’est à nouveau une autoroute, l’A71, qui nous coupe la route. i ces interruptions du fil d’eau ou de l’ouvrage lui-même ne sont pas un obstacle à la circulation à vélo, elles nous interpellent néanmoins. Après son déclassement en 1955, le canal a été tronçonné, chaque commune récupérant la propriété de son bout de canal. À partir de ce moment-là, personne ne s’est plus préoccupé du linéaire. Ici, c’est un parking, là, une médiathèque installés sur le canal remblayé, là un pont mobile remplacé par une plaque de béton. Le canal perd son sens. Quand Voies navigables de France (V.N.F.) parle de fermer la navigation sur certains canaux pour ne plus garder que la « petite navigation », barques et canoës, mais de continuer à entretenir les ouvrages pour la gestion de la ressource hydraulique, on voit bien ici les limites de ce discours. Sans navigation, sans un usage de la linéarité du canal, il ne faut pas beaucoup d’années pour que le chemin d’eau ne soit plus qu’une succession de voies sans issue.

Mehun-sur-Yèvre, Mmh les galettes…

Pause pique-nique à l’écluse de Reussy.

Après l’écluse de la Marie, nous voici à Mehun-sur-Yèvre. La ville et sa rivière y sont dominées par un bien étrange château formé de 2 tours dont l’une, éventrée, montre à tous les passants son escalier de pierre en colimaçon. La foudre, les révolutionnaires du XVIIIe siècle puis les démolisseurs du XIXe siècle ont presque eu raison de cette élégante demeure qui fut l’un des séjours privilégiés de la cour du roi Charles VII. Le château accueillit Jacques Cœur, que nous retrouverons à Bourges, et Jeanne d’Arc. Près de la porte de l’Horloge, qui renferma une prison pendant la Révolution, se trouve la boulangerie Huet dont la spécialité, une galette de pomme de terre ornée de dessins, est réputée de Bourges à Vierzon.

Après avoir visité la manufacture de porcelaine Pilli-vuyt, nous décidons de faire une pause dans les jardins du Duc de Berry. Aménagés en plein centre-ville sur 3 ha, ces jardins sont parcourus par des bras des rivières Yèvre et Annain et animés par des passerelles et des sculptures, dont une très belle tête de vache en pierre. Il y a de l’eau dans tous les sens, un barrage, une chute et même une ancienne écluse sur l’Yèvre. Le jardin jouxte le canal et nous nous installons pour pique-niquer près de l’écluse du Reussy et du Canoë kayak club mehunois, qui dispose là d’un circuit de slalom et loue, en été, des canoës pour des randonnées sur l’Yèvre et le Cher. En quittant Mehun, nous roulons entre Yèvre et canal, sous les arbres qui projettent un kaléidoscope d’ombres et de lumières sur la piste. À Marmagne, où la gare d’eau de Pont Vert a été aménagée pour accueillir cyclistes et randonneurs à pied, les beaux bancs de bois et de métal nous offrent quelques minutes de sieste. À la sortie du village, une passerelle permet d’accéder à des toilettes publiques. Nous approchons de Bourges, promeneurs et cyclistes se font plus nombreux. Nous avons parcouru 33 km depuis Vierzon.

La Maison des 3 flûtes (Bourges).

La star de Mehun

« Pourquoi les gens préfèrent ma galette, ça je ne sais pas. » Jean-Claude Batailler, le propriétaire et artisan de la boulangerie Huet à Mehun-sur-Yèvre est modeste : sa galette de pomme de terre au fromage blanc et à la pâte feuilletée légère, croustillante et dorée, est réputée dans toute la région.

La vaisselle des restaurateurs

La manufacture Pillivuyt est l’une des nombreuses manufactures de porcelaine qui se sont développées dans le Berry au XIXe siècle. Créée par le Suisse Jean Louis Richard Pillivuyt à Foëcy en 1818 et déplacée à Mehun-sur-Yèvre en 1854, Pillivuyt a fêté ses 200 ans en 2018. La manufacture emploie environ 160 salariés sur 7 ha. Grâce à ses pâtes “maison” de porcelaine blanche ultra-résistante et cuite à 1 400 °C, elle produit de la vaisselle et des plats qui passent aussi bien au four et au lave-vaisselle qu’au barbecue. Réputée chez les professionnels, la porcelaine est exportée à 70 %, notamment au Danemark, aux États-Unis, en Asie et dans les Émirats arabes unis. Un magasin et des visites guidées, historiques ou techniques, permettent de découvrir l’usine et sa production.

Bourges, fesses de pierre et portes de fée

À Bourges, nous découvrons un cœur de ville très ancien. Les pierres blanches et briques rouges du rempart gallo-romain apparaissent encore ici et là. C’est sur son emprise qu’ont été bâtis quelques-uns des plus beaux bâtiments de Bourges, dont le palais Jacques-Cœur. Ce marchand devenu grand argentier du royaume de France a développé le commerce avec l’rient avant d’être arrêté, accusé de divers forfaits et emprisonné.

Toilettes et passerelle, une voie verte bien aménagée à Marmagne.
De belles maisons à pans de bois près de la place Planchat à Bourges.

Ses emblèmes, la coquille pour son prénom et le cœur pour son nom, ornent la façade du palais. Peu après sa mort en 1456, un tiers de la ville fut détruit par un incendie, le 22 juillet 1487. Pour éviter un nouvel incendie, les maisons seront reconstruites avec des soubassements de pierre et des encorbellements réduits. Elles seront désormais séparées par des murs pare-feux de pierre. Bourges compte encore environ 440 maisons à pans de bois. Nous admirons les bois sculptés de la Maison aux raisins ou de celle des trois flûtes, et, le regard au ras du sol, recherchons les portes de fée. Il existerait à Bourges plusieurs centaines de ces minuscules portes, kitsch et girly à souhait, qui s’ouvrent au bas des murs de la vieille ville. Elles sont l’œuvre de Florizale, une artiste berruyère.

Nous en trouvons évidemment une sur la promenade des Remparts, un circuit romantique et bucolique dans un dédale de ruelles et de maisons médiévales. Nous terminons notre visite de la ville ancienne par la cathédrale. L’extérieur du bâtiment est peuplé de figures grotesques et de bêtes fantastiques, tout un statuaire créé pour faire peur… ou faire rire. Les curieux rechercheront la paire de fesses (message d’un sculpteur à un commanditaire mauvais payeur ?) dissimulée derrière un pilier. Et nous filons au muséum d’histoire naturelle. Créé dans les années 1920, le muséum présente les habituels animaux naturalisés, dont Hans, 1er éléphant d’Asie ramené vivant en France à la fin du XVIIIe siècle. Une grande salle est consacrée à l’étude des chauves-souris et aux mesures à prendre pour leur protection.

Les curieux rechercheront la paire de fesses (message d’un sculpteur à un commanditaire mauvais payeur ?) dissimulée derrière un pilier.
Les curieux rechercheront la paire de fesses (message d’un sculpteur à un commanditaire mauvais payeur ?) dissimulée derrière un pilier.
Sur la coulée verte qui occupe l’emprise du canal à Bourges.

Un petit tour en bord de mer

Après une nuit à l’hôtel Logis Villa C en ville, au matin nous partons à la découverte des Marais de Bourges. Là, non loin de la gare, les bras de rivière, les biefs, les arbres et les jardins jouent à cache-cache avec le regard et les passerelles. Les parcelles enherbées ou jardinées abritent des tas de petites créations, inventions drolatiques, poétiques ou grotesques, du totem d’argile au grillage tout brodé de poèmes, en passant par les cigognes en plastique et l’épouvantail Quasi-modo portant Esmeralda évanouie.

Les barques du Marais à Bourges.

Nous quittons les marais et reprenons nos vélos pour reoindre la trouée verte et sa « cathédrale » de platanes. Cette dernière nous mène au lac d’Auron, un vrai petit bord de mer en plein Berry, un Central Park berruyer. Il y a un monde fou autour du lac en ce samedi après- midi. Certains lisent, discutent ou se reposent dans l’herbe, d’autres nourrissent les canards. Un groupe pratique le tai-chi à l’ombre des arbres, un entraîneur au rythme impeccable tracte des sportives en rollers, des familles terminent leur promenade digestive parmi les immenses prairies toutes neigeuses de pâquerettes. Sur le lac évoluent voiliers et planches à voile.

De Bourges à Plaimpied-Givaudins

Nous longeons un côté du lac pour retrouver la voie verte du canal de Berry. La voie s’étire le long d’une large bande herbeuse que l’on comprend avoir été autrefois l’emprise du canal. Le canal ne réapparaît qu’après l’écluse de Vaurou mais il est vide, sanvase asséchée. Il y a quelque chose d’extrêmement triste, un petit air de fin du monde dans ce chemin d’eau sans eau. Au fond de l’écluse de Las-say, la végétation a créé un drôle de jardin d’eau avec ses massettes, ses iris aquatiques et ses roseaux parmi les morceaux de ciment tombés du bajoyer. Le bief suivant est heureusement en eau, même si la faible profondeur permet encore le développement d’une végétation dense, lycope, menthe aquatique, roseaux et iris L’arrivée à Plaimpied-Givaudins (à 12 km de Bourges) est marquée par une vue superbe sur l’abbaye qui domine le village.

L’abbatiale St-Martin à Plaimpied-Givaudins : son plafond de bois
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Des totems de terre cuite dans un jardin des Marais de Bourges

A l’intérieur de l’édifice, sous un plafond de bois en nef inversée, les chapiteaux des colonnes sont ornés de sculptures au dessin si lisse et stylisé qu’on pourrait les croire contemporaines quand elles datent du Moyenge. De nombreux chats sont figurés. Certains plutôt attachants et mignonnets, comme sur le chapiteau des Trois chats, d’autres plus inquiétants, un crâne d’homme déjà enfourné dans le gosier ou grimaçant méchamment. Après Plaimpied, la piste n’est pas encore aménagée. C’est toujours une « rotte chats », une sente dans l’herbe, nous dit un cycliste. Alors, nous repartons vers Bourges. Les oiseaux et les batraciens partagent notre entrain et notre joie de pédaler au soleil au bord de l’eau, en liberté, le long de ce canal de Berry et de sa voie verte qui ont su nous séduire toutes les deux.

Des passionnés de “vélocanal”

Jean-Paul et Michèle Brier sont venus du Mans (Sarthe) pour parcourir la voie verte du canal de Berry. Ils ont déjà parcouru les berges des canaux du Midi (2 fois…), de Garonne, d’Orléans, du Nivernais, d’Ille-et-Rance, La Loire à vélo et bien d’autres encore. Leur prochaine destination ? Peut-être l’Alsace et le canal de la Marne au Rhin.

Texte et photos Virgine Brancotte